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En 2018, à la demande d’un ami, Patrick Communal, ancien avocat très investi dans l’aide aux demandeurs d’asile, j’ai préfacé La petite reine de Kaboul, paru aux Éditions de l’Atelier, qui raconte son combat et celui de toute une famille afghane pour obtenir l’asile en France.

Avec Patrick Communal, je partage de nombreuses valeurs qui trouvent parfois leur expression dans nos échanges sur Facebook et que nos engagements, savoirs et savoir-faire respectifs nous permettent régulièrement de mettre en pratique ensemble. La Petite reine de Kaboul en est une belle occasion.
Lorsque Patrick Communal m’a demandé de préfacer le livre que vous avez entre les mains et qu’il a écrit avec Masomah Ali Zada, j’en fus très honoré.
Pour la confiance que cette « mission » qu’il me confiait témoignait à mon égard ; parce que j’ai eu du plaisir à lire cette histoire et encore parce que ce récit est plein d’humanité.
Comme écrivain public à la Maison de la Justice et du Droit d’Orléans et au centre pénitentiaire d’Orléans-Saran, comme collaborateur parlementaire du sénateur Jean-Pierre Sueur, je suis souvent confronté à des histoires d’hommes, de femmes et d’enfants qui ont fui leur pays à cause de la guerre, de la violence, de la persécution, mais aussi – et c’est une raison suffisante – à cause de la faim et de la misère. Souvent, les lois en vigueur, la politique du chiffre et une administration tatillonne et arbitraire font peu de cas des souffrances endurées par ces personnes et des menaces qui pèsent sur eux quand il s’agit d’examiner leur demande de vivre dans un pays libre et en paix avec leur famille, d’y travailler et de s’y faire soigner. L’histoire de Masomah et de sa famille n’échappe pas, on le verra, à cet arbitraire.
Dans un monde où l’appât du gain, le capitalisme dans ce qu’il a de plus abject (corruption, ventes d’armes, travail des enfants, etc.), la concentration des richesses dans les mains et les poches de quelques-uns et le rejet de l’autre continuent à tuer ou à réduire en esclavage des millions d’hommes et de femmes et sont en train, de surcroît, de détruire notre planète au risque même de faire disparaître l’humanité, La Petite reine de Kaboul constitue une formidable bouffée d’oxygène et d’altruisme.
Pour le chrétien que je suis, l’altruisme trouve son sens et même sa source dans le « Tu aimeras ton prochain comme toi-même » que Marc nous rappelle (12, 20-31). Paul, dans son épître aux Romains (18, 8-10) assure que ce commandement résume et surpasse tous les autres. « Il n’y a pas de plus grand amour que de donner sa vie pour ses amis », insiste Jean (15, 13).
Un procureur de la République au discours généreux entendu récemment lors d’une conférence à laquelle j’assistais donnait de « la relation à l’autre » la définition suivante : « Une conscience qui rencontre une confiance.1 »
La Petite reine de Kaboul en est une parfaite illustration. La confiance, c’est celle que la famille Ali Zada – Masomah, sa sœur Zhara, ses frères Jawad, Ali Reza et Ali Akhbar, ses parents Mohammad Ali et Zeba – a accordée à Patrick et à son fils Thierry d’abord, puis, petit à petit, à toutes celles et ceux que la conscience en éveil a fait entrer dans cette chaîne d’altruisme. Dans le désordre : Thomas, Katia, Dominique, Sylvie, Gaëtane, Gisèle, Nicolas, Gisèle, Roland, Martine, Gilbert, Samah, Loup, Nolwenn, Marie-Thérèse, Armelle, Maryvonne, Anissa, Patrick, Cati, Jeannine, Nicole, Yacine, Isabelle, Jean-Claude…
Face à la masse anonyme de ceux qui ont peur de l’autre différent et l’expriment par des votes extrêmes, voire des banderoles haineuses, face à un État qui poursuit en justice des passeurs d’humanité (l’emblématique Cédric Herrou ou encore Martine Landry d’Amnesty International), des hommes et des femmes bien réels dont la conscience s’est mobilisée, sont venus en aide à toute une famille afghane persécutée et menacée de mort par l’intégrisme religieux et les attentats islamistes.
Chacun et chacune à leur manière, ils ont donné un peu de leur vie à des gens qui sont devenus leurs amis.
Car dans ces rencontres, chacun et chacune a reçu plus qu’il n’a donné. C’est le propre de l’altruisme. On ne s’épanouit soi-même, on ne grandit en humanité quand dans la relation à l’autre différent. C’est le bonheur d’aider.
Pour ma part, la lecture de ce livre fut aussi une occasion de faire un pas vers cet autre différent. De même que l’acculturation de Masomah et sa famille à notre démocratie a rapidement débuté, mon regard sur les « femmes voilées » a changé. Derrière ce que je considérais parfois abruptement comme un signe de soumission, je découvre des femmes libres et engagées.
Ainsi, ce récit qui nous conduit de Kaboul à Guéhenno en passant par Katmandou, Téhéran, Dubaï, Prague, Paris, Orléans, Albi et Lille, plus encore qu’une histoire exemplaire de solidarité reliant des vies a priori si éloignées, est une invitation à une réflexion tout autant individuelle que collective sur l’altruisme. Sans jamais « faire la leçon », La Petite reine de Kaboul donne à penser. L’histoire de Masomah est aussi une invitation à la fraternité et au bonheur partagé.

Pascal Martineau

1Une définition fréquemment prêtée à un médecin né à la fin du xixe siècle, Louis Portes, et qui s’appliquait initialement à la relation médecin-patient.