Une fois n’est pas coutume, découvrons notre mot à travers une affiche de film.
Ce film mélodramatique de Jacques Becker (1906-1960) sorti en 1945, retranscrit avec un grand réalisme l’atmosphère d’un atelier de haute couture. Notre mot «falbala» batifolerait donc avec la mode. Plongeons-nous dans le scénario : Micheline débarque à Paris pour se marier avec Daniel, un marchand de soie lyonnais. Cependant elle va succomber au charme d’un couturier brillant, mais séducteur invétéré, Clarence. Pour elle, il va confectionner une robe de mariée et lui dessiner de beaux falbalas…
Laissons encore flotter le suspense pour vous retracer l’incertaine étymologie de «falbala». Le dictionnaire académique situe son origine au XVIIe siècle et son emprunt au provençal farbella, frange, guenille, dentelle. Une origine espagnole est avancée par les mots falda, habit de femme, et faldellin, cotillon plissé, kilt. Le mot allemand fald-plat, jupe plissée, feuille plissée, apporte lui aussi sa pierre à l’édifice. D’après d’autres convaincus, falbala viendrait de l’anglais furbelow prononcé «forbelo» et décomposé en fur-, fourrure et -below, en bas; on parlerait donc d’une fourrure du bas d’une robe pour cette source anglophone. Enfin, Gilles Ménage (1613-1692), grammairien érudit, établit sa version de la provenance du mot falbala dans son « dictionnaire étymologique ou origines de la langue françoise » réédité en 1694 : il aurait été inventé par un maréchal des logis, sous-officier responsable des écuries, un certain monsieur de Langlée. Discutant avec une couturière qui lui montrait une jupe au bas de laquelle se trouvait une bande plissée, il la félicita pour ce « falbala » remarquable. Ce mot qu’il venait d’inventer pour plaisanter fut pris au sérieux par la modéliste qui le répandit à toute la profession. Comme l’écrivit Victor Hugo en 1829 dans son recueil de poèmes Les Orientales, « La rumeur approche, l’écho la redit. »
Le dénouement ne saurait donc tarder… Nom masculin, le mot falbala était anciennement, au XVIIIe siècle, une bande d’étoffe plissée ou froncée, ou bien un volant de dentelle qui ornait le bas d’une jupe, robe ou rideau. Le falbala rehaussait ainsi l’apparence du vêtement ou du rideau. Au pluriel, les falbalas sont des ornements de mauvais goût, prétentieux et surchargés. Fanfreluches, fioritures, parures et autres affiquets sont ses dignes synonymes. Les falbalas se rapportent aux vêtements, aux choses en général, à des paroles, des chansons, etc. Dans le roman Un de Baumugnes, Jean Giono (1895-1970) exprime : « Je vous explique ça comme je le sais, sans falbalas. »
De falbala dérivent les verbes falbalasser ou falbalater signifiant garnir de falbalas, pour une robe par exemple.
Si le sens de ce mot qui chante à mon oreille n’est pas connu de tous, les fervents d’Astérix, eux, sont intarissables sur leur Falbala. Elle est l’égérie, l’inspiratrice d’Obélix follement amoureux de cette magnifique femme aux longs cheveux blonds et à la robe falbalassée. Malheureusement, Falbala est fiancée à Tragicomix. Le dessinateur Albert Uderzo aurait donné à sa Falbala une ressemblance avec l’épouse de son scénariste René Goscinny.
À l’image de paroles bienveillantes ou blessantes, les falbalas disposent d’atouts pour à la fois embellir ou gâter une robe de collection.
Marie-Agnès de Francqueville