(par Sandrine Chevillon)
Après des siècles de luttes acharnées pour la reconnaissance de leurs compétences, les femmes occupent désormais les mêmes fonctions que les hommes. Qu’ils soient prestigieux, à responsabilité, nécessitant une très bonne condition physique ou encore dangereux, les femmes briguent des postes dans tous les domaines et à tous les niveaux. Si ces dames voient la parité comme une véritable mutation sociale symbole d’évolution et de progrès, ces messieurs, en revanche, ne cessent d’en déplorer les conséquences orthographiques. Procédons à un rapide tour d’horizon des règles de féminisation des noms de métier, fonction, grade ou titre.
Les règles morphologiques dans la formation des noms féminins de profession sont, en toute logique, similaires à celles des noms communs les plus divers. Ainsi, lorsque le nom masculin se termine par une voyelle, le féminin est généralement formé par l’adjonction d’un –e final. Ces messieurs ont, de ce fait, comme collègue une chargée de cours, une députée, une préposée ou encore une apprentie… Toutefois, si le nom masculin se termine déjà par un –e, il ne varie pas au féminin. C’est ce que l’on appelle des formes épicènes. On fait donc appel à une aide, une architecte, une comptable, une dactylographe, une diplomate, une ministre, une secrétaire…
Il en va de même pour la féminisation des noms masculins dont la voyelle finale est –a ou –o. Aussi travaillerez-vous avec une para, une dactylo, une impresario…
Notons que le procédé, consistant à utiliser le suffixe –esse pour créer de nouveaux noms féminins, n’est plus de mise car il apparaît comme vieillissant. Néanmoins, l’emploi des mots, ainsi formés et consacrés par l’usage, est bien entendu toujours admis : nul doute que vous ayez parmi vos connaissances une poétesse et une maîtresse d’école.
Un second cas de figure est relevé lorsque le nom masculin est terminé par une consonne. Le féminin est alors généralement formé par la simple adjonction d’un –e final. Ainsi votre fille deviendra-t-elle peut-être une agente, une artisane, une avocate, une échevine, une experte, une lieutenante, une magistrate, une marchande, une présidente ou une principale
. Mais l’ajout de cette marque finale du féminin nécessite parfois de procéder à une modification orthographique : Quelques exceptions sont cependant à dénombrer. Nous pourrons en effet collaborer avec une chef de chantier, une conseil (juridique), une mannequin, une marin, une médecin… Par ailleurs, les noms masculins terminés par –eur possèdent également des particularités. Leur féminin est notamment formé au moyen du suffixe –euse si un verbe en rapport sémantique direct lui correspond. Il en résulte qu’une carreleuse carrelle, une chercheuse cherche, une contrôleuse contrôle, une vendeuse vend, etc. A contrario, si aucun verbe ne correspond au nom, la forme féminine reste identique au masculin ; c’est pourquoi nous écrirons une docteur, une ingénieur, une procureur, une professeur… On relève deux exceptions : une ambassadrice et une chroniqueuse
. Il en va de même pour ce qui est du féminin des noms terminés en –teur. S’il existe un verbe correspondant comportant un t dans sa terminaison, le féminin est formé par le suffixe –teuse : une acheteuse achète, une rapporteuse rapporte, une toiletteuse toilette… Les seuls cas particuliers sont une éditrice (édite), une exécutrice (exécute) et une inspectrice (inspecte). En l’absence de verbe correspondant ou lorsqu’il n’y a pas de t dans la terminaison verbale, le nom féminin se termine par –trice : aussi évoquerons-nous le destin d’une administratrice, une apparitrice, une aviatrice, une directrice, une éducatrice, une rédactrice, une actrice, une rectrice… Syntaxiquement, il convient de ne pas omettre l’usage d’un déterminant féminin (une, la, cette), indispensable afin de marquer le genre du nom, notamment quand ce dernier est épicène. En outre, à l’instar de tout nom commun, les adjectifs et participes s’accordent systématiquement avec le nom de profession auquel ils se rapportent. Vous repèrerez d’autant plus aisément une conseillère principale, une contrôleuse adjointe, une ingénieur technicienne, une première assistante, une doyenne intéressée, une présidente directrice générale
que les adjectifs qui les qualifient porteront la marque du féminin. Sachez, pour finir que le Conseil supérieur de la langue française recommande pour les noms de métier d’origine étrangère de préférer leur équivalent français. Nous assisterons donc au match d’une joueuse de tennis de renommée mondiale plutôt que d’une tenniswoman. Celles et ceux qui se passionnent pour les querelles grammaticales féministes pourront se référer au Guide d’aide à la féminisation de la Commission générale de terminologie et de néologie, à la Note du ministère de l’Éducation nationale relative à la féminisation des noms, au rapport Femme, j’écris ton nom de l’INALF ou encore au Dictionnaire féminin-masculin des professions, des titres et des fonctions de Th. Moreau. Par chance, l’absence de règlementation qui caractérise notre profession, nous laisse libres d’opter ou non, chères consœurs écrivains publics pour une vaine féminisation !
• quand le nom masculin se termine par –el, –ien, –yen et –on, il convient de redoubler la consonne finale : contractuel => contractuelle ; chirurgien => chirurgienne ; doyen => doyenne ; mécanicien => mécanicienne ; pharmacien => pharmacienne ; maçon => maçonne…
• avec les terminaisons masculines –er et –et un accent grave apparaît au féminin : conseiller => conseillère ; huissier => huissière ; officier => officière ; ouvrier => ouvrière ; préfet => préfète…