Écrivaine publique au sein du centre de détention de Saint-Quentin-Fallavier en Isère, Céline Issartel y propose et anime en plus un atelier d’écriture hebdomadaire.

Depuis plus de deux années à présent, je tiens une permanence hebdomadaire d’écrivain public, au sein du service pénitentiaire d’insertion et de probation de l’établissement. Au fil de mes entretiens et de mes discussions avec les conseillers et les personnes placées sous main de justice, l’idée de pouvoir proposer des ateliers d’écriture me trottait dans la tête.
En effet, je me suis rapidement aperçue que, lorsque l’on est en détention l’écrit est un outil, certes, de communication avec l’extérieur, mais pouvait représenter également une possibilité pour les personnes condamnées ou prévenues de pouvoir extérioriser leurs ressentis et coucher sur le papier ce qu’elles n’osent pas parfois dire à haute voix par sentiment de culpabilité et/ou de honte vis-à-vis des autres ou d’elles-mêmes.
J’ai donc travaillé un programme d’ateliers validé par la directrice du service pénitentiaire d’insertion et de probation (SPIP) ; programme alliant plusieurs objectifs : faire appel à l’imaginaire, le ludique, le créatif mais également faire parler ses émotions, travailler sur soi. Une partie des exercices permet également de faire connaissance avec certaines figures de styles et plusieurs auteurs.
J’ai nommé ces temps d’écriture : « les ateliers du REBUS ». L’acrostiche de ce mot me servant d’en poser le cadre : Respect, Écoute, Bienveillance, Un espace de créativité, Sans jugement envers soi-même et les autres.
Ainsi, chaque semaine, je retrouve entre six et huit participants sur un thème à chaque fois différent.
Et jusqu’à présent, ce sont toujours deux heures qui se passent dans la bonne humeur, l’introspection et l’écoute des autres.
Je ne connais pas le passé ni les raisons carcérales pour lesquelles ces hommes sont détenus et c’est mieux ainsi. Cela ne fausse pas la relation établie autant pour eux que pour moi.
Certes, je travaille les thèmes différemment que lors d’ateliers tout public, évitant certains sujets ou bien encore certains supports mais la variété de ce qui peut être proposée durant ces ateliers est tellement vaste que cela ne représente pas forcément un frein.
Chaque semaine, je prépare cinq ou six exercices. C’est plus que lors d’un atelier classique, mais j’ai fait le choix d’imposer un temps plus court de rédaction à chaque exercice pour maintenir le niveau de concentration et l’enthousiasme parfois un peu débordant des participants. Cela me demande forcément une dose de travail personnel plus importante, mais jusqu’à présent, je ne suis pas à court d’idées. Pourvu que cela dure !
Ainsi, les couleurs, les émotions, les voyages, la magie, les bizarreries de la langue française, etc., sont des sujets qui ont déjà été abordés et ont permis la production de textes très riches. Parfois personnels, parfois émouvants, d’autres drôles, chacun y va de sa patte sans forcément une maîtrise parfaite de l’écriture, mais l’importance n’est pas là.
Je vous avoue m’étonner régulièrement de la qualité des textes et de la réflexion dont les participants font preuve.
Après chaque exercice, chacun est libre de partager à haute voix ou non son écrit. Et jusqu’à présent, les participants l’ont toujours fait, que le texte soit court voire très court parfois.
Si je ne devais retenir qu’un seul atelier, ce serait celui sur les citations.
Dans les bâtiments de détention, des phrases d’hommes célèbres sont affichées sur les murs. J’ai donc invité les participants à rédiger un texte incluant des citations. Chacun a pris la plume pour un résultat de grande qualité et ô combien inspirant.
Voici un extrait d’un texte écrit ce jour-là par un très jeune participant, en détention depuis cinq années :

« Petit, j’ai pris le temps de rêver.
Adolescent, je me suis imaginé vivre ce même rêve.
Puis plus grand, j’ai même cru en mon rêve !
Mais la réalité m’a vite rappelé que je ne suis pas qu’un être qui rêve ; je me dois d’être le maître de mon destin et de faire les bons choix.
Depuis cinq ans, j’ai appris et j’apprends encore.
La vie n’est pas seulement à imaginer, elle est à vivre pleinement. Se donner les moyens pour y arriver et ne pas seulement attendre.
Le vrai piège, c’est le fait de se priver soi-même d’être celui que l’on veut être. Alors « croyez en vos rêves, ils se réaliseront peut-être, croyez en vous, ils se réaliseront sûrement. » (Martin Luther King).
Entre temps, il y’aura des doutes, du stress, des mauvaises routes à éviter et j’en passe, mais « cela semble toujours impossible, jusqu’à ce qu’on le fasse. » (Nelson Mandela) »

Je communique très régulièrement avec les conseillers et la directrice du SPIP au sujet du déroulement de ces ateliers, renforçant ainsi notre collaboration très importante. Je tiens d’ailleurs à les remercier de la confiance qu’ils m’ont accordée en acceptant de me confier l’organisation de ces ateliers.
Ces deux heures hebdomadaires participent à leur modeste niveau à un travail d’accompagnement vers la réinsertion mené par le SPIP au quotidien auprès des personnes incarcérées.
D’autres projets comme la diffusion et l’affichage de certains écrits rédigés durant l’atelier à destination du personnel pénitentiaire et des autres personnes détenues, la création de panneaux d’expression écrite ou bien encore l’organisation d’un concours d’écriture sont en cours de réflexion et j’espère qu’ils pourront voir le jour, dans les prochains mois.

Céline Issartel