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Où des vers imaginés en 2007 par un écrivain public poète se retrouvent attribués à… Edmond Rostand. Histoire d’une jolie méprise.

Lorsque que l’on vit dans une région regroupant Arnaga, la villa d’Edmond Rostand ainsi que le musée qui lui est consacré, Casteljaloux, la cité des Cadets de Gascogne, et Bergerac qui adopta Cyrano malgré les origines parisiennes d’Hercule Savinien, il est difficile ne pas avoir un lien particulier avec Cyrano de Bergerac.

J’ai défini et résumé le personnage par l’acrostiche suivant :

Ce panache est le sien, il est à son image.
Y ajouter l’honneur serait lui rendre hommage.
Rassemblant sous son nom l’idéal romantique
Ainsi que la bravoure et l’esprit poétique,
Négligeant ce qui nuit à la grandeur de l’âme,
Oubliant par moment d’éviter l’excessif
Dans ses actes et son verbe ô combien expressif
Et souvent incisif, il est tout feu tout flamme.
Blessé d’être affublé d’un nasal appendice
Empêchant un amour devenu un supplice,
Rien ne saurait guérir la plaie faite à sa vie.
Généreux mais timide il doit se résigner
Et prêter ses doux mots à un autre que lui.
Roxane comprendra qu’il les a tous signés
Au moment fatidique où son âme s’enfuit.
Cyrano est perdu mais l’amour a gagné.

Vous l’aurez compris, j’ai une certaine affection pour Cyrano et je ne manque jamais une occasion, lorsque je passe par Bergerac, de lui rendre une petite visite comme on le fait pour un cousin ou un ami.

C’est ce que je fis à l’automne dernier avec des amis.

La statue de Cyrano est érigée Place Pélissière, dans le centre historique de Bergerac.

Juste à côté d’elle se trouve un petit muret en pierre sur lequel la ville de Bergerac et le Conseil du quartier historique ont fait apposer une plaque qui attira aussitôt l’attention de mon épouse, laquelle me la fit remarquer.

Ce que je découvris sur cette plaque ne manqua pas de m’étonner.

Cyrano me faisait sans doute un clin d’œil amical à moins qu’il ne s’agisse d’une de ses facéties dont il est coutumier.

Les quatre alexandrins figurant sur la plaque ne pouvaient pas être d’Edmond Rostand puisqu’ils furent écrits en 2007, année au cours de laquelle j’avais participé à un concours qui proposait d’imaginer la lettre que Cyrano écrit à Roxane dans la boutique de Ragueneau (scène 4 du deuxième acte), et dont Edmond Rostand ne nous laisse entrevoir que quelques mots.

Cette lettre obtint un prix et fut ensuite publiée sur le site cyranodebergerac.fr :

 

Une flèche en plein cœur peut du ciel être un don
Quand l’archer qui l’envoie se nomme Cupidon.
Moi, mon cœur a saigné sans qu’aucun médecin
N’ait pu cicatriser cette plaie du destin.
Je vous aime Roxane, et plus longtemps ne puis
Retenir cet aveu qui de ma main s’enfuit.
Plus de cent fois déjà tout mon être a tremblé
Au moment fatidique où j’allais le confier.
Mais je suis pétrifié au son de votre voix
Et je m’évanouis de peur quand je vous vois.
Je vous aime n’est pas chose facile à dire
Quand celui qui l’avoue n’est pas loin d’en mourir,
Et craint plus que la mort que sa déclaration
Vous soit du même effet qu’une déclamation.
Et si la crainte existe à devoir vous l’écrire,
Mon cœur, sans me trahir, se met seul à rougir.
Vous aimer est folie quand on a mon visage.
La nature chez moi a raté son ouvrage,
N’offrant à vos regards qui sont un pur délice
Que l’indélicatesse d’un nasal appendice.
Mais le cœur ne peut se complaire à la raison
Et se plait à rêver d’une douce illusion :
Que l’être tant aimé, celui qui vous est cher,
Ne voit que l’émotion et non le bout de chair.
Je vous aime en secret depuis le premier jour
Et je frémis d’espoir, souhaitant qu’à leur tour,
De ce que je vous dis, vos lèvres adorées
Me rendent un écho qui serait un baiser.

J’ai informé les initiateurs de la plaque de leur méprise, laquelle leur a été confirmée par un article paru dans le journal Sud Ouest deux jours plus tard.

La suite m’étonna tout autant que la découverte de la plaque, car j’imaginais que la citation serait vite changée pour rendre à Edmond ce qui appartient à Rostand. Mais il n’en a rien été, la ville de Bergerac et le Conseil du quartier historique ont finalement choisi de conserver les quatre alexandrins en modifiant le nom de l’auteur (!)

J’espère qu’Edmond Rostand n’aura pas trop tordu le nez en constatant que Cyrano a gardé mes mots pour écrire à sa bien-aimée.

Michel Rossignol