Par Marie-Agnès de Franqueville
Je risque de vous surprendre si je vous annonce que le premier Noël de l’année 2015 verra le jour ce mardi 22 décembre à 4 h 47 précises. C’est à cette minute que commencera notre hiver étrangement doux. Nous souhaiterons ainsi la bienvenue au solstice d’hiver, époque de l’année où le soleil atteint sa plus forte déclinaison boréale, dans l’hémisphère Nord, et s’inverse en solstice d’été dans l’hémisphère Sud dit « austral ». Ce solstice hivernal correspond, au Nord, au jour le plus court et annonce la renaissance du soleil. Son étymologie latine solsticium, de sol, « soleil » et stare, « s’arrêter » confirme cet effacement provisoire de l’astre solaire. Curieusement, Noël est à l’origine, la fête du soleil. Rassurez-vous, il y aura bien un deuxième Noël, et ce dans la pure tradition des pays historiquement chrétiens, en ce vendredi 25 décembre 2015.
Le mot Noël est un mystère à lui tout seul. Il n’apparaît ni dans la liturgie latine ni dans celle grecque. Le Larousse lui prête pourtant une origine latine natalis dies, « jour de naissance ». Ce nom masculin célébrerait pour les Chrétiens la fête de la naissance de Jésus-Christ le 25 décembre. Au sens élargi, il désigne la période de festivités entourant cette date de Noël. Il reste masculin pour qualifier un cantique ou une chanson populaire célébrant cette nativité, mais prend le genre féminin, sous l’influence du mot « fête », lorsqu’il est accompagné de l’article la.
À l’approche de la Noël, étudions l’évolution au fil du temps de notre mot de la semaine. En l’an 1120, le mot latin natalis se transforme en Nael. De désinence hébraïque, Nael réunit le début de natalis et le el désignant Dieu. Le prophète Isaïe désigne par le nom d’Emmanuel le messie à venir, de l’hébreu imanuel, de ime, « avec », anou, « nous » et el, « Dieu est avec nous ». C’est en 1175 qu’est écrit pour la première fois le mot Noël. Le O viendrait de la dissimilation (différenciation) des deux A de natalis. Le tréma sur le E apparaît en 1718 et note la diérèse phonétique, c’est-à-dire la dissociation de deux voyelles à l’intérieur d’une même syllabe. Les plus beaux Noëls de notre enfance restent à jamais gravés dans nos mémoires. Ils attestent que le mot Noël est un des rares noms propres à prendre le pluriel.
Il est une autre version expliquant que Noël aurait d’autres racines, gauloises et grecques à la fois. Les mots gaulois noio, « nouveau » et hel, « soleil » ou bien les noms grecs neos, « nouveau » et helios, « soleil » se recoupent pour traduire Noël comme le soleil nouveau, le retour du soleil après le solstice d’hiver et le rallongement des jours. Dès le IIe siècle, les Romains et les Germains fêtent de manière éclatante ce Sol invictus, « soleil invaincu » par le culte de Mithra, divinité de la lumière, en sacrifiant un jeune taureau. Ce 25 décembre évoque la victoire de la lumière sur les ténèbres. Ce n’est qu’au IVe siècle, vers 354, que le pape Liberus annonce que le 25 décembre, fête païenne, devient officiellement le jour de la célébration de la naissance du Christ. L’Église occidentale désire incarner cette métaphore de Jésus, nouvelle lumière du monde. Cette date n’est en aucun cas historique, puisque les Évangiles demeurent muets sur l’exactitude de cet avènement. Les Églises orthodoxes (la Russie) ou de rites orientaux (l’Arménie, la Grèce) préfèrent la date du 6 ou 7 janvier, fête de l’épiphanie, jour de la révélation de la divinité du Christ. À Jérusalem, les Arméniens orthodoxes fêtent Noël le 19 janvier. À chacun sa date.
Au Moyen Âge, Noël ! Noël ! est un cri de joie poussé par nos aïeux à l’approche d’un heureux événement, une victoire, une naissance, etc.
Ne nous quittons pas sans un petit tour du monde du mot Noël où se retrouvent nos diverses étymologies :
Natale en Italie
Natal au Portugal
Navidad en Espagne
Christmas (les messes du christ) au Royaume-Uni
Weihnachten (Nuits Sacrées) en Allemagne
Chrisstouyenna en Grèce
Jól en Islande
Jul en Norvège, Suède et Danemark
«Noël, c’est la veille, c’est l’attente.»
Georges DOR