Une de nos membres signalait récemment un petit article paru dans un journal de sa région. C’était à propos d’écrivains publics bénévoles qui jetaient l’éponge après 13 ans de services à la mairie de leur commune, 13 années passées à s’efforcer d’aider les victimes de l’illettrisme (grande cause nationale en 2013). Réparer les dégâts, en attendant de pouvoir mieux les prévenir.
Il faut imaginer une petite ville paisible des bords de Loire, à la jonction entre ce fleuve et un canal, une tranquille animation batelière et un peu touristique, les activités habituelles d’un gros chef-lieu de canton de 8 000 habitants dans une région plutôt déprimée économiquement. On aurait bien vu Simenon y situer un roman où Maigret, par hasard en balade dans le coin, enquête sur la mort mystérieuse d’un pêcheur à la ligne.
Donc trois écrivains publics bénévoles et largement septuagénaires, ou peu s’en faut, qui raccrochent, avec le sentiment d’avoir bien travaillé. On parle d’une soixantaine de personnes reçues par an. On cherche une succession, d’où le petit article, qui précise que la municipalité prend en charge l’imprimante, le papier, le photocopieur. Encore heureux. Visiblement il n’est pas question sérieusement de confier cette permanence à un professionnel.
Parce que ce serait vraiment trop cher ? Non. Si soixante, et même – soyons fous – cent heures par an d’écrivain public, de préférence agréé par l’AEPF pour être assuré d’une prestation convenable, étaient rémunérées par cette commune au taux modéré de 40 euros de l’heure, ce seraient 4 000 euros à ajouter au budget.
La vérité est que malheureusement, et en dépit des nombreux efforts de l’Agence nationale de lutte contre l’illettrisme depuis 2000, la prise de conscience du problème que pose l’existence de 2 500 000 personnes qui en France n’ont pour une raison ou une autre aucun accès à l’écrit, tarde cruellement. Aux yeux de certains c’est préoccupation négligeable.
Car si l’on en juge par le bulletin municipal de la petite ville en question, qui nous vante diverses réalisations de l’année écoulée cumulant quelques millions d’euros,
4 000 euros, c’est, dans le tableau des comptes, l’épaisseur du trait !