Fabienne Croze, écrivaine publique en Saône-et-Loire, a interviewé un enfant de son pays, Dominique Falkner, à propos de son dernier livre, Retour au Dépays (éditions La Trace, sorti le 11 février) et de son projet d’expédition.
Ce titre étrange de Retour au Dépays est celui du dernier livre du Semurois – et Américain – Dominique Falkner, et il interpelle. Ce Roannais d’origine est parti à dix-sept ans courir le monde, son carnet de notes en poche depuis l’âge de sept ans.
La couverture de ce Retour au Dépays le représente à sept ans, une moitié de visage, en noir et blanc, l’autre, en couleur, à 58 ans. Ce livre devait sortir en novembre. L’auteur devait venir le présenter depuis la Floride où il réside la plus grande partie de l’année (le reste du temps, il vit en forêt de Semur-en-Brionnais. Son éditeur avait organisé une tournée de libraires, repoussée par le Covid. Nous l’avons interviewé à distance depuis le Brionnais où sa maison et son jardin l’attendent désespérément.
Lorsqu’en 2017 sortit son livre Mojado, l’auteur confiait qu’il avait commencé un autre livre se déroulant à Marcigny et Mâcon. Pourquoi pas Roanne ? Ce roman entremêle sa vie et la fiction. « J’ai quitté Roanne il y a quarante ans. Le Brionnais m’inspire d’avantage. Marcigny ? j’allais avec mon père au marché du lundi acheter des fromages. Je venais pour la foire et les manèges. Dans le roman, le père est vigneron et une partie du récit se déroule à Mâcon, ville que je connais bien. Mon père n’était pas vigneron. Ses amis l’étaient et, dès douze ans, je participais à la taille l’hiver, aux vendanges l’automne. 70 % du récit parle de ma vie, le reste est fiction ou glané dans les vies de ceux que je connais. »
Retour au Dépays tient en haleine : « Mon père sait-il pour Jacques ? » Sait-il quoi ? Le lecteur, veut savoir ! Il a du rythme, des ruptures de rythmes : l’énumération des années de gel depuis 1076, les références aux chansons de l’époque ponctuant le récit, les allers et retours : les voitures dont l’auteur ne sait rien, les mots nouveaux, à l’américaine : short list, crowdfunding, coming out… Les expressions « c’est trop » et tant d’autres… Les allers et retours entre sa vie en Floride et sa vie ici, quand il vient à Semur…
On est frappé par son manque d’accent. « C’est la lecture, l’écriture, les traductions… Au début, j’avais un accent : je suis resté huit ans sans rentrer en France, sans parler français. À Key West, je voyais peu de Français : des navigateurs bretons. Deux fois, je suis rentré six mois pour travailler pour l’éditeur Albin Michel. Maintenant, si je ne rentre pas deux-trois fois l’an, cela me manque… Le jardin, la forêt, parler français, faire les commissions au marché de Marcigny ou à l’épicerie associative de Semur… »
Dominique Falkner a encore bien des projets. Il est en train de traduire le grand auteur américain Sam Shepard. Il envisage, dès que la crise sanitaire sera passée, d’aller en Patagonie et au Japon pour de nouveaux romans. Il a un grand projet pour cet automne. Le livre Le Léopard des neiges, de Peter Matthiessen, en est le propos. « Je vais partir en septembre sur les traces de son expédition de 1973, au Dolpo (Népal). Je m’étais porté candidat sans trop y croire, mais les sept autres participants (américains, australien, écossais, anglais) ont accepté ma candidature pour un trek d’un mois sur les traces de l’expédition de Peter Matthiessen jusqu’au sommet des Montagnes de Cristal à la frontière avec le Tibet : départ le 14 septembre, retour le 6 novembre. Son biographe est l’initiateur du trek. Peter Matthiessen est un de mes auteurs préférés : explorateur, moine bouddhiste, de l’école Rinzai, défendeur bien avant l’heure des cultures amérindiennes… Son biographe, un australien vivant à New York, a décidé de retracer certaines de ses expéditions, dont celle au Dolpo. Dolpo signifie Le Pays caché en dialecte tibétain.
« C’est aussi une expédition humanitaire car nous emmenons beaucoup de médicaments introuvables dans les montagnes, des matières premières, des fournitures scolaires… Le groupe comprend un ethnologue du Pays de Galle, spécialiste des tribus de cette région (dolpo-pa, humla, etc.), un biologiste espagnol en charge d’un grand secteur de conservation dans l’ouest népalais, le biographe de Matthiessen, un chirurgien écossais, un artiste anglais qui travaille avec les textiles de cette région, et un cinéaste, James Appleton, preneur de son dans des longs et courts métrages, dont Juillet de sang avec Sam Shepard (décidément !!) qui va tourner un documentaire de notre aventure là-haut intitulé True Nature : In the footsteps of Peter Matthiessen… Ça devrait être intéressant, c’est le moins qu’on puisse dire ! »